Les plantes alpines pour sublimer les plats
# Montagne
Dans les Alpes, quand certains chefs ne sont pas dans leur cuisine, ils parcourent la montagne à la recherche d’herbes sauvages ou arpentent leur jardin d’aromates. L’ail des ours, le serpolet, la bourrache, la sauge… Ils sont choisis pour éveiller les papilles et découvrir le parfum inédit du terroir de nos montagnes dans notre assiette.
Un moelleux de racines de raiponce, un foie gras poêlé avec son jus à la racine de primevère, du ris de veau fumé aux écorces de sapin et son gratin savoyard à l’ail des ours. Dans les restaurants alpins, les plantes sauvages et les aromates cultivés dans les jardins apportent un supplément d’âme à la cuisine. Un grand plaisir pour les yeux et un vrai régal pour nos papilles car toutes ces herbes, sauvages ou cultivées, permettent d’élargir notre palette gustative. Pour celui qui n’a pas la fibre paysanne, manger des pissenlits en salade, des orties dans la soupe ou des beignets de fleurs d’acacia semblait impensable il y a encore quelques années. Aujourd’hui, c’est devenu très tendance, avec un engouement de plus en plus important pour les aliments naturels.
« Des plantes qui vous envoûtent »
Le célèbre chef Marc Veyrat, a été l’un des pionniers à amener le goût des herbes de montagne dans la gastronomie française. « Je suis fils de paysan. A 8 ans, ma grand-mère nous demandait d’aller ramasser du carvi pour mettre dans la tomme. Le soir, à l’alpage on mangeait la soupe à base de lamier blanc et de chénopode Bon-Henri. Il est important de connaître ces plantes de montagne et comprendre pourquoi on s’en servait. Ramasser des fleurs d’origine sauvage comme les fleurs de serpolet ou le calamen sauvage, c’est juste du bonheur car ce sont des plantes au caractère authentique qui vous envoûtent » explique Marc Veyrat.
Des recettes inspirées de la nature
Ce dernier a formé des chefs réputés, à la cueillette des herbes et fleurs de montagne, qui à leur tour créent des recettes inspirées de la nature. Ils glissent avec parcimonie des végétaux cueillis en montagne pour parfumer les plats qui semblent tout droit sortis d’un champ ou d’un sous-bois, mais aussi pour rehausser les saveurs. Ils les choisissent en fonction de leur goût acidulé, épicé, piquant, amer, poivré ou boisé, leurs textures tendres, douces et leurs arômes subtils de vanille ou d’agrumes… Pour diffuser leurs parfums, ces plantes seront utilisées en infusion, en décoction, en réduction, nature, dans une sauce, une liqueur, une soupe aussi bien pour accompagner une viande, un poisson ou en dessert au gré de leur imagination débordante.
D’autres ont décidé de créer de magnifiques jardins d’aromates pour avoir toujours sous la main les herbes aux saveurs explosives qui illumineront leur cuisine. C’est le cas dans le parc de l’hôtel l’Incomparable situé sur les rives du lac du Bourget où poussent basilic pourpre, verveine, sauge, bourrache et capucine… « Depuis 2 ans nous entretenons un potager avec divers légumes et aromatiques que nous agrémentons en fonction de la demande du chef du restaurant. Nous l’enrichissons de nouvelles variétés comme le bégonia apprécié pour son côté craquant et acidulé en bouche ou encore la tanaisie, une plante herbacée utilisée notamment dans la confection de mousses légères » ajoute Lauren, paysagiste, responsable de l’entretien des espaces verts de l’Incomparable.
Autrefois, on mangeait des plantes sauvages par nécessité
De tout temps, l’homme s’est intéressé aux plantes qui poussaient de manière sauvage autour de chez lui. « Elles lui servaient pour se nourrir, se soigner, guérir ses bêtes malades. Il y a plus de 100 ans, les populations vivant en altitude dépendaient des plantes pour survivre. A la sortie de l’hiver, les greniers avec les réserves étant vides, les habitants mangeaient les premières plantes qui apparaissaient près de leur habitation comme le pissenlit, qui donnait une excellente salade riche en vitamines » explique Ilona Genty-Mezei, membre de l’association Jardin du Monde Montagnes qui a pour objectif la sauvegarde et la valorisation du patrimoine ethnobotanique des Bauges et de la Chartreuse. Les habitants des campagnes côtoyaient les plantes au quotidien et savaient les identifier aisément. Avec le développement de l’industrie, les habitants ont commencé à déserter les zones rurales et à se déconnecter petit à petit de la nature. Manger des plantes sauvages devenait même suspect. Il fallait laisser ça aux animaux ! Aujourd’hui, les chefs cuisiniers, les ethnobotanistes et tous ceux qui souhaitent faire connaître les bienfaits des plantes sauvages et des aromates nous invitent à réapprendre le goût naturel des choses et à se rapprocher enfin de la nature.
Au menu, les trésors des Alpes
L’ail des ours, emblématique de cette nouvelle cuisine gourmande pousse un peu partout sur des terrains humides, en sous-bois ou au bord des routes. Les jeunes feuilles (qui ressemblent aux feuilles de muguet) finement hachées servent à l’élaboration de beurre à l’ail, de farce à escargot, de pesto, à consommer sur une tartine ou pour parfumer les plats de son goût d’ail et de verdure. Il est moins agressif et plus digeste que l’ail cultivé. Les orties sont redevenues au goût du jour. On les cuisine en soupe, en pesto, en glace et même en chips ! Les fleurs de bourrache avec leur goût d’huître sont très nutritives. Les fleurs d’acacia se glissent facilement dans des beignets. Les vins et apéritifs maison et autres élixirs floraux ont également le vent en poupe : comme le vin à base de fleurs de sureau, la liqueur de génépi ou la liqueur à base de vulnéraires des Chartreux (typiques du massif de la Chartreuse).